Eric Boullier, nouveau Team Principal du Renault F1 Team, était sur l'antenne de la radio RMC à 13H pour faire part ses ambitions. Abordant le choix du second pilote, Eric Boullier reste très vague, et ne semble pas décidé à donner le moindre indice à des fans de plus en plus impatients.


RMC : Quelle était l'ambiance à Enstone, quel est votre audit de la situation ?

Eric Boullier: "Je suis déjà allé plusieurs fois à Enstone, j'y suis même pratiquement basé maintenant, j'ai découvert une équipe extrêmement studieuse, qui travaille déjà depuis longtemps sur la voiture 2010. Le premier travail va être d'apporter un peu plus de vision à moyen terme, et rassurer sur les réelles volontés de cette écurie".


RMC: Est-ce qu'il faut le redonner un petit peu de sérénité, un peu de moral après une période sans victoires, alors qu'avec le même moteur RedBull se bat pour le titre ?

EB: "Il est clair que quand on fait une comparaison directe avec RedBull, il y a une différence de performance, c'est évident. L'équipe en elle-même, je suis convaincu qu'elle est extrêmement compétente, parce qu'ils ont gagné plusieurs fois le championnat du monde de F1, et y a peu d'équipe, de structures, ayant réussi à le faire. Ces dernières années ont été un peu chaotiques, les résultats pas à la hauteur des ambitions: il y a plusieurs raisons à cela qui doivent être traitées en interne. Aujourd'hui, Renault a clairement exprimé son ambition de rester en F1, de prendre un virage assez important dans la manière de gérer et de manager l'équipe, donc je pense sincèrement que cette équipe a les moyens de ses ambitions, il suffit de ramener un peu de sérénité, de se reconcentrer sur l'essentiel, sur les bons investissements, sur les bonnes ressources, et je suis sûr que l'équipe sera du niveau de ses concurrents et pourra se battre pour le titre d'ici peu."


RMC: Eric, vous passez de l'équipe DAMS, une PME, à Renault, une multinationale, alors est-ce qu'on travaille de la même façon quand on intègre le plus haut niveau, ou est-ce que les recettes sont différentes ?

EB: "Il y a forcément une adaptation parce que avoir 40 personnes à gérer ou 400 ce n'est pas tout à fait la même chose, même si une équipe bien structurée, avec une bonne délégation, vous vous retrouvez à avoir des interlocuteurs quotidiens qui sont au nombre de 10-15, et ça reste humainement abordable. Après il y a d'autres problèmes à prendre en considération puisque la machine est beaucoup plus grosse."


RMC: Le team Renault F1 a vécu un traumatisme en 2009 avec le Singapour-gate: comment est le moral de l'équipe aujourd'hui ? Est-ce que vous êtes en train de tourner une page, pour ouvrir un nouveau chapitre, ou y a-t-il toujours de mauvais souvenirs dans l'esprit des gens ?

EB: "Non, je ne pense pas qu'il y a encore de mauvais souvenirs dans l'esprit des gens. Il est clair que aujourd'hui il faut se concentrer sur le futur, travailler, se fixer des objectifs raisonnables mais aussi ambitieux, et se donner les moyens pour y arriver, et ça commencera par apporter de la sérénité au groupe de travail, qui je le répète est compétent."


RMC: Un pilote a déjà été nommé au sein de l'équipe, c'est Robert Kubica, vous n'étiez pas encore là à l'époque de sa nomination. Êtes-vous d'accord avec ce choix ? Il vous plait bien Robert Kubica ?

EB :"100% d'accord avec le choix qui a été fait ... Quand vous souhaitez jouer dans la cour des grands, et vous donner les moyens, cela passe aussi par avoir des pilotes d'envergure, en tous cas au talent et à la vitesse reconnue. Robert fait partie des grands, et des futurs grands, je suis personnellement ravi de l'avoir avec nous parce que j'ai effectivement beaucoup compté sur lui."


RMC: Il y a également une autre place de titulaire à pourvoir: avez-vous des goûts, des envies, des vues sur certains pilotes ? On sait aussi que vous êtes président de Gravity Sport Management, c'est aussi par ce biais là que vous êtes venu à la tête de Renault F1 Team. Avez-vous déjà fait votre choix pour le deuxième pilote ?

EB: "Très clairement, non. En fait, dans ce process de sérénité, ça passe par une stratégie à moyen terme, pour l'écurie, qui est une équation assez complexe où on doit orienter les intérêts de l'entreprise pour réaliser les ambitions de l'entreprise. Ca c'est des belles phrases, mais nous discutons en fait avec beaucoup de pilotes, plus que les chiffres qui ont été annoncés, tous les jours j'en ai des nouveaux qui m'appellent. La seule chose que je puisse vous dire c'est qu'on ne va pas forcément privilégier l'expérience ou la jeunesse, par contre on va privilégier la vitesse et le talent pour être sûrs que ce deuxième pilote soit capable, aux côtés de Robert, de ramener des points pour l'équipe".


RMC: Alors justement, il y a eu des critiques faites à envers Renault l'an passé, selon lesquelles l'équipe ne semblait pas capable de préparer deux voitures du même niveau. D'abord, est-ce que c'est une ambition, pouvoir préparer deux voitures de même valeur, avant même de savoir qui on va mettre dedans ?

EB: "Alors ça c'est une autre politique. Il est évident que lorsque vous êtes dans l'urgence, que le manque de résultats vous met un peu sous pression, on a envie de bien faire et je pense que dans cette optique à court terme, on est obligé de faire des choix et la production ne peut pas forcément fournir deux kits en même temps lorsque vous avez un Grand Prix tous les 15 jours. L'objectif d'un team, lorsqu'on a deux voitures et deux pilotes compétents, c'est s'appuyer sur le feedback pour pouvoir développer cette voiture dans le bon sens. On fera donc notre maximum pour que chaque développement validé soit présent sur les deux voitures."


RMC: Vous vous occupez de jeunes pilotes, avec Gravity: allez-vous en profiter pour placer un de vos pilotes dans le deuxième baquet, ou le troisième ? De plus, Renault possède déjà sa filière de jeunes talents, avec le Renault driver Development, alors est-ce que ces deux entités vont s'associer ? Un pilote Gravity va-t-il être privilégié ?

EB: "Nous sommes encore à nous poser la question sur comment intégrer le RDD au paysage, et le placer aux côtés ou avec Gravity. On ne sait pas encore .... Concernant la deuxième question, privilégier n'est pas le terme que j'emploierais parce que ce n'est pas du tout le cas. J'ai mis en place Gravity avec Gérard Lopez et Eric Lux pour pouvoir former des pilotes, leur apprendre le métier de pilote de course, et d'accéder peut-être un jour à la Formule Un, mais mon job aujourd'hui c'est Team Principal de Renault F1, et je ferai en sorte que les intérêts de l'écurie soient mis en avant, et donc je ne privilégierai jamais un pilote Gravity si un autre peut être mieux pour le team."


RMC: Tous les passionnés considèrent Renault comme une écurie française donc ce serait peut-être le meilleur endroit pour espérer voir un pilote de Formule un français. Alors est-ce qu'on peut espérer un pilote français chez Renault en 2010, un Romain Grosjean ou un Franck Montagny ?

EB: "Il y a eu des discutions avec Franck et avec Romain, d'ailleurs certaines sont toujours en cours je vous le cache pas. Je suis français, Renault est français, il y aurait donc un penchant naturel à avoir un pilote français. J'aimerais bien en avoir un, mais ce ne sera pas une priorité: je me concentre sur les intérêts de l'écurie, et n'ayant pas d'obligation vis-à-vis de nos partenaires, ni de Renault, ce sera le meilleur choix stratégique pour l'écurie. S'il est français, tant mieux ..."


RMC: Il peut être français, mais aussi francophone, on pense au belge Bertrand Baguette, qui a remporté les World Series by Renault 3.5. On trouve aussi de pilotes d'expérience, actuellement sur le carreau, comme Nick Heidfeld par exemple.

EB: "Tous les pilotes dont vous me citez les noms sont des pilotes avec qui on discute tous les jours. C'est vraiment une matrice compliquée à remplir, en mettant de côté le point de vue émotionnel car il est important de trouver quelqu'un de performant dès que possible, mais aussi dans le temps: le choix du pilote est vraiment très crucial."


RMC: Robert Kubica va disputer le Monte-Carlo dans quelques jours: sera-t-il autorisé à participer à quelques rallyes durant la saison de Formule Un ?

EB: "Je vais bien sûr observer ce qu'il va faire, c'est la tendance aujourd'hui, les pilotes de F1 vont faire du rallye, ça va être assez rigolo à suivre ... Je pense que ce genre d'opérations au cours de l'année, ce sera difficilement envisageable, car le programme de F1 est quand même assez chargé".

Interview retranscrite par Confidential-Renault.fr