De l’aveu de beaucoup de spécialistes, la saison 2025 de Formule 1 pourrait être un millésime exceptionnel. Il s’agira de la dernière année de la réglementation actuelle avant un grand bouleversement en 2026. En conséquence, avec des machines abouties chez toutes les équipes et des regards déjà tournés vers le futur, un resserrement de la hiérarchie est attendu. De retour aux affaires en fin de saison passée, Alpine ne compte pas se laisser déborder, tant pour 2025 que pour 2026.

Le A fléché ne va pas sacrifier l’actuelle campagne au profit de la suivante. C’est ainsi l’approche adoptée en cet hiver, dans le cadre de la finalisation du développement de l’A525, dernière monoplace à recevoir un moteur Renault en Formule 1. Confiante dans les chiffres obtenus en interne, l’écurie française croit pouvoir réaliser une performance solide en 2025, même si l’ambition ne sera pas de faire beaucoup mieux que les années précédentes.

" Vous devez décider, en tant que directeur d’écurie mettre de côté 2025 pour vous concentrer uniquement sur 2026 et 2027 ", affirme Oliver Oakes, à Panet-F1.com. " Mais je ne pense pas que quelqu’un fasse cela en F1 parce que tout le monde veut faire la course, tout le monde pousse, […], vous aimeriez faire de nombreuses améliorations, mais vous êtes un peu limité par le plafond budgétaire et par le besoin de vous concentrer sur 2026. "

" Quand j’ai lu [que certaines équipes allaient se concentrer uniquement sur 2026], je me suis dit : eh bien, c’est parce que certaines équipes savent déjà qu’elles ne trouvent pas les performances qu’elles souhaitent pour 2025. De notre côté, nous devons équilibrer nos ressources, mais nous n’allons pas abandonner une saison entière. En fin de compte, je pense que nous avons montré de bonnes performances en 2024, et j’espère que nous pourrons faire de même cette année tout en gardant un œil sur 2026 ", ajoute-t-il.

Si d’un point de vue technique, Alpine va donc se donner les chances de briller en 2025 tout en gardant une approche intelligente de l’utilisation des ressources pour 2026, cette future campagne occupera malgré tout une place importante dans la tête. Le A fléché va notamment devoir apprendre à travailler avec Mercedes pour l’utilisation du moteur et de la boîte de vitesses. Ensuite, c’est au niveau des pilotes qu’une décision devra être prise. Et le travaille à ce sujet est déjà en cours.

Alpine a en effet frappé les esprits récemment en recrutant Franco Colapinto. Cela, alors même que Jack Doohan, espoir de l’académie, vient tout juste de débuter et d’être nommé aux côtés de Pierre Gasly. L’australien est clairement sous pression. Certains disent qu’il a six courses pour convaincre. Dans le cas inverse, Flavio Briatore n’hésitera pas à le remplacer par l’argentin, dont l’estime est très elevée. L’italien ne dément d’ailleurs pas la possibilité d’un changement de duo.

" Nous allons débuter la saison avec Pierre et Jack, je peux le certifier ", affirme Flavio Briatore pour le compte du Parisien. " Après cela, nous verrons. S’il y a un pilote qui ne réalise pas de progrès, qui n’apporte pas de résultats, je le change. On ne peut pas laisser la place à l’émotion en Formule 1. "

L’italien a toujours été très rude dans la gestion de ses pilotes, à l’image du clan Red Bull. Jack Doohan est donc sur un siège éjectable et ce n’est certainement pas pour l’aider dans ses débuts en Formule 1. Néanmoins, si l’australien se montre rapide et solide, il pourrait fortement marquer les esprits. En attendant, on sent bien que le futur d’Alpine s’appelle Franco Colapinto. La signature de l’argentin puis sa visite à Enstone ont été très médiatisées, à renfort d’activation marketing de la part du A fléché.

Cela peut d'ailleurs se comprendre. Véritable révélation de l’année 2024 au volant de la Williams, Franco Colapinto aurait coûté près de 20 millions d’Euros pour pouvoir le débaucher de chez Grove. Et avec en sus un contrat de cinq ans pour le lier au Groupe Renault tout au long de la nouvelle ère réglementaire. De nombreux partenaires sud-américains, y compris Telmex sous la coupe du milliardaire Carlos Slim, auraient facilités cette signature, et pousseraient aussi pour une titularisation.

" Je pense que l’intention n’est pas de lui mettre la pression ", commente Oliver Oakes à propos de Jack Doohan. " C’est vraiment pour donner à l’équipe des options pour l’avenir. Je pense que Franco a fait une excellente première impression avec Williams. Il est clair qu’il a probablement essayé d’en faire un peu trop à la fin, […] pour nous, c’est formidable d’avoir cette liste de deux jeunes pilotes, Paul et Franco, qui attendent dans les coulisses. "

" Parce qu’il ne s’agit pas seulement de 2025 ; 2026 et 2027 arriveront rapidement, et il est difficile en F1 de planifier ce qui va se passer et les pilotes que vous allez avoir dans la voiture. Cela permet à chacun d’être honnête quant à ses performances et nous donne des options ", précise-t-il.

" Briatore a vu Franco depuis ses débuts en F1 ", explique Maria Catarineu, la Manager de Franco Colapinto. " Le jour où nous avons discuté pour la première fois, il a dit ’j’ai vu son talent et je le veux’, […], Williams a donné Franco à Alpine pour cinq ans. Je comprends que, si une autre équipe semble intéressée par Franco pendant cette période, je suppose qu’il s’agira d’une négociation entre Alpine et l’autre équipe. "

" Je ne sais pas s’il fera ses débuts en Australie, à Miami ou ailleurs. Ce que je sais, c’est que Franco a montré qu’il pouvait courir et c’est pour cette raison qu’Alpine l’a engagé. Aujourd’hui, il y a deux pilotes (Gasly et Doohan) qui ont un contrat. Ce sera une décision de l’équipe. Ce qui est sûr c’est que Franco ne peut pas faire de Libres 1 cette année car il n’est plus un rookie. Il fera des essais avec des voitures d’il y a deux saisons. Et il devra être présent sur les courses. "

À ce jour, Pierre Gasly n’est pas en danger et dispose d’un statut de leader au sein d’Alpine. Le français, que l’on a aperçu très affûté lors du dernier évènement Autosport, est motivé pour guider son écurie vers le sommet, et faire partie de la renaissance d’Enstone. Il est toutefois également sous la pression de cette jeunesse qui monte, également représentée par Paul Aron, tout fraîchement recruté. Ce dernier semble devenir une option plus crédible pour l’horizon 2027.

" Après Monaco, j’étais en tête du championnat en tant que débutant, avec le plus grand nombre de podiums, et de loin ", explique Paul Aron à The-Race.com. " Et je ne recevais pas beaucoup d’attention. J’ai donc eu l’impression d’être un peu boudé, […], cela ne m’a pas vraiment dérangé. Je ne dirais pas que j’ai été soulagé d’avoir cette opportunité chez Alpine. C’était plutôt un sentiment de bonheur. C’est ce pour quoi j’ai travaillé et c’est ce que je voulais. "

" Il a été brillant et je pense qu’il a fait preuve d’une grande force mentale en se faisant lâcher par Mercedes, en subissant tout cela cette année et en se battant pour le championnat tout au long de l’année. C’est vraiment un talent spécial ", estime de son côté Oliver Oakes.

Alpine sécurise donc son pool de pilotes pour les années à venir, avec de sacrés talents à sa disposition. Il faudra toutefois gérer les égos et éviter une pression inutile aux titulaires, au risque de mener à de mauvais résultats en piste. Jack Doohan va être le premier à essuyer cette stratégie. Déjà perçu par certains comme intérimaire pour six courses, l’australien n’a finalement pas grand-chose à perdre. Ce sera sans aucun doute l’un des sujets à suivre de cette année, pour la dernière du moteur Renault en Formule 1.