Depuis plusieurs mois, Nissan e.Dams faisait l'objet de questionnements de la part de ses concurrentes à propos de la technologie utilisée par la marque japonaise pour propulser l'IM01 en Formule E. Les adversaires du constructeur nippon sont allés jusqu'à demander officiellement l'interdiction de la solution auprès de la FIA, car jugée trop performante et donc nécessitant une élévation des coûts de développement pour copier l'idée. Force est de constater que ce malheureux lobbying a fonctionné, puisque la Fédération a officiellement banni la technologie Nissan pour la prochaine saison 2019-2020. La marque japonaise doit donc complètement revoir sa copie en quelques semaines.
Fer de lance de la compétition automobile électrique, la Formule E a bati sa réputation sur l'ouverture de la réglementation technique autour du groupe propulseur, permettant aux construteurs automobiles d'utiliser la discipline comme un laboratoire grandeur nature pour étrenner des solutions pouvant ensuite se retrouver dans la voiture de Monsieur Tout le Monde. Depuis sa création, plusieurs méthodes ont été employées, certaines plus performantes que d'autres.
Pour sa première saison en Formule E, Nissan – et indirectement Renault lorsque le développement débutait – avait fait le pari d'un groupe propulseur à deux moteurs électriques. Ce n'était pas la première fois que ce choix avait été fait dans ce championnat, mais la marque japonaise est la seule à disposer d'une telle configuration cette année. Homologuée et validée à chacune des étapes de son développement par la FIA, le bloc Nissan a commencé à faire parler dès lors que l'IM01 commençait à signer ses premières poles position et jouer la gagne sur chacun des ePrix.

Le constructeur de Yokohama avait mis le temps pour maitriser la technologie, éprouvant en début d'année des difficultés pour gérer la consommation d'énergie, pour tirer de la performance voire régler l'IM01. Mais les progrès ont été notables à chacune des apparitions en piste, jusqu'à atteindre aujourd'hui une certaine maturée, avec l'accumulation des podiums, à défaut d'une première victoire. Remontée à la quatrième place des constructeurs, en embuscade du top 3, Nissan a sauvé sa première saison.
Mais cette belle histoire
" technique ", cette audace et ce pari ont été stoppés net. Solution interdite par la FIA pour la saison 2019-2020, sous pression de ses adversaires – et surtout des constructeurs engagés. Une décision extrêmement regrettable, qui questionne sur l'ADN même de la Formule E, qui en revient à offrir des solutions identiques entre toutes les voitures. Le prétendu laboratoire grandeur nature est tué dans l'oeuf par l'influence des marques.
Nissan n'a pas fait appel de la décision, et doit s'atteler à un défi de taille : celui de développer un nouveau groupe propulseur en quelques semaines. Non seulement tous ses investissements et efforts sont mis à la poubelle, mais en plus elle accusera certainement un retard technique sur ses adversaires l'an prochain. Sans commentaire.
Interrogé par l'excellent Autohebdo, Jean-Paul Driot, l'homme fort de Nissan e.Dams, résume parfaitement bien le sentiment général que laisse cette décision de la FIA.
" Nous avons démarré avec un groupe motopropulseur innovant mais nous avons connu des problèmes de mise au point, […], maintenant que nous y sommes presque, nous apprenons que l’architecture de notre moteur sera interdite la saison prochaine ", explique le français.
" Nous comprenons alors que des lobbies ont été exercés par la concurrence, et nous en prenons acte, […], nous devons [maintenant] nous inscrire dans un nouveau cycle de développement et perdre une année d’expérience par rapport aux autres équipes ", ajoute-t-il.
" Alors que la Formule E fonctionne sur un principe d’innovation, nous trouvons dommage de nous priver d’essayer de développer des choses qui auraient pu faire sens dans le domaine de la voiture électrique, y compris les clients pour lesquels Nissan développe des moteurs électriques de série ", regrette Jean-Paul Driot.
Forcément, du côté de la concurrence, on se félicite de la décision de la FIA, et donc de l'efficacité du lobbying appliqué.
" Je pense que c'est une bonne solution ", affirme Mestelan Pinon, un représentant de l'écurie DS Techeetah, au site e-racing365.
" Oui, c'était bon pour la connaissance des ingénieurs, mais honnêtement, il n’est pas nécessaire d’être trop complexe et il est crucial pour la Formule E d’éviter une augmentation des coûts année après année. "
" Bien sûr, certaines personnes diront que si nous commençons à interdire certaines technologies de pointe, cela ne sera peut-être pas pertinent pour la route, mais sur ce sujet, nous fabriquons des voitures de course, nous n'allons pas sur la lune! ", ajoute-t-il.
Le patron du sport automobile chez Nissan, Michael Carcamo, rassure de son côté sur les capacités de la marque japonaise à livrer un nouveau bloc pour la prochaine campagne.
" Une semaine ou deux, voire un mois, ne va pas changer radicalement le design ", a-t-il expliqué à e-racing365.
" Vous savez que nous devons regarder au-delà de la saison prochaine. Juste pour être complètement transparent, nous avons surveillé les solutions de toutes les équipes tout au long de l'année. Ce n'est donc pas comme si nous partions de zéro. "
" Nous devons simplement changer notre concept et notre philosophie pour la saison six mais une fois que le règlement a été clairement défini, nous avons commencé à développer le groupe motopropulseur de la saison six. "
e-racing365 confirme que Nissan ne changera pas son organisation et les acteurs ayant travaillé sur le groupe propulseur banni, ce qui garantit une continuité importante. La marque japonaise reconnaît cependant que ces discussions ont retardé son programme d'essais.
" Nous avons eu quelques tests, mais nous avons évidemment dû retarder certains roulages afin de poursuivre le développement de la conception et les modifications qui doivent être intégrées ", a reconnu Michael Carcamo.
Il reste à Nissan deux ePrix pour faire briller cette technologie à deux moteurs, avec la tenue de l'ePrix de New-York où deux manches sont au rendez-vous. Une victoire pour conclure serait la plus belle des réponses à ses adversaires, qui ont fait triompher la politique à défaut de la beauté du sport – et de l'innovation technique.