Alpine n’en avait certainement pas besoin. Depuis le début de la semaine, la marque sportive du Groupe Renault est embarquée dans un tourbillon de spéculations suite à deux annonces importantes : celle de la démission d’Oliver Oakes puis la titularisation pour cinq courses de Franco Colapinto. Depuis, comme attendu, les rumeurs, les critiques et les révélations sortent de toutes parts. Le clan Alpine tient cependant bon et poursuit sereinement sa préparation.

La presse n’a pas tardé à réagir à la suite de l’éviction surprise d’Oliver Oakes, jeune Team Manager de l’écurie nommé en juillet dernier seulement. Il faut dire qu’Alpine enchaîne les candidats sur ce poste. Frédéric Vasseur, Cyril Abiteboul, Marcin Budkowski, Otmar Szafnauer, Bruno Famin puis le britannique, cela depuis 2016. C’est beaucoup trop pour assurer une stabilité. À titre de comparaison, Toto Wolff chez Mercedes et Christian Horner chez Red Bull sont restés en poste sur cette même période avec les succès que l’on connaît !

Bien sûr, avec des résultats décevants, plusieurs interprétations ont été faites. D’un départ vers Red Bull à une ambiance interne délétère sur fond de désaccords entre lui et Flavio Briatore afin de confier, in fine, " officiellement " les pleins pouvoir à l’italien, les inspirations n’ont pas manqué ! La réalité serait toutefois tout autre. D’ailleurs, Flavio Briatore et Oliver Oakes se sont rapidement fendus d’un communiqué commun, évoquant une bonne entente et d’un départ pour raison personnelle, comme pour éteindre un début d’incendie.

" Beaucoup de choses ont été dites ces 24 dernières heures, liant de manière erronée la décision d'Oli de démissionner à une suspicion de désaccord, ou de divergences de point de vue que nous partagerions ", explique l’italien sur son compte Instagram. " C'est complètement faux et très éloigné de la vérité. Oli et moi entretenons de très bonnes relations et avions des ambitions à long terme pour mener ensemble cette équipe plus haut. Nous respectons la demande d'Oli de démissionner et nous l'avons donc acceptée. Les raisons ne sont pas liées à l'équipe et sont de nature personnelle. "

" Ce fut un privilège de diriger tout ce personnel à Enstone : quelle équipe et quel endroit ", précise de son côté Oliver Oakes. " C'est une décision personnelle pour moi que celle de démissionner. Flavio a été comme un père pour moi, il m'a toujours soutenu depuis que j'ai pris mes fonctions, tout en me donnant cette opportunité. Tout le monde est en place pour 2026 et pour que cette équipe réalise le rêve qu'elle mérite ! Je crois en Enstone. "

Cette réaction a suscité de vives critiques, tant sur le fond que sur la forme, avec une presse spécialisée peu convaincue. Pourtant, il aura fallu de quelques heures additionnelles pour apprendre que le frère du britannique a été arrêté au Royaume-Uni pour transfert de biens criminels. Il dirigeait la structure Hitech dont Oliver Oakes est le fondateur. Cela pourrait être ce qui se cachent derrière les " raisons personnelles ". Il faut dire que le britannique doit non seulement gérer les problèmes familiaux, mais certainement aussi sa propre société. Cela, sans compter sur les risques d’image à l’égard d’Alpine.

Toujours est-il que cette situation met encore le A fléché à la Une des journaux pour ses évènements extra-sportifs, plus que pour ses exploits sur la piste. Flavio Briatore prend les reines de l’écurie officiellement, et nous verrons si une nomination interviendra plus tard. L’italien était de toute manière déjà extrêmement influent, la stabilité reste donc de mise.

" Il pousse l'équipe d'une manière très impressionnante ", estime Pierre Gasly en marge du Grand-Prix de Miama, avant l’annonce d’Oliver Oakes. " Il essaie de tirer le maximum de chaque département et fait vraiment tout son possible pour améliorer la situation de l'équipe. Il arrive avec beaucoup d'expérience, beaucoup de réseaux, et c'est quelqu'un qui apporte des changements. Parfois, il faut être bousculé et challengé, et c'est ce qu'il fait en permanence. "

" Je pense qu'il a apporté beaucoup de bonnes choses à l'équipe. Évidemment, ce n'est pas une discipline sportive où tout peut changer en l'espace de deux ou trois mois. Nous avons besoin d'un peu de temps, mais il est clair qu'il pousse tout le monde dans la bonne direction ", ajoute-t-il.

Faut-il donc s’inquiéter de ce nouveau rebondissement ? À priori non avec une équipe technique bien en place, emmenée par l’excellent David Sanchez. L’ingénieur français a contribué à l’amélioration notable de l’A524 mais également à la conception de l’A525 dont la base est sans aucune meilleure que ne l’était la précédente monture. Le manque de réussites en ce début de saison masque en partie ces progrès (Australie, Arabie Saoudite).

2025 doit aussi permettre à Alpine de préparer 2026 avec l’ambition de chercher les podiums. Le nouveau cycle réglementaire et l’arrivée du moteur Mercedes sont les opportunités identifiées par le A fléché pour atteindre cet objectif. L’équipe travaille pour constituer le meilleur duo de pilotes, et c’est la raison de la titularisation de Franco Colapinto pour les cinq prochaines courses.

Après Jack Doohan, l’argentin est ainsi évalué et sera prolongé ou non selon ses performances. Paul Aron pourrait également faire l’objet d’un tel processus. Néanmoins, Alpine prépare aussi ses arrières et ironie de l’histoire, après avoir testés ses jeunes, elle pourrait se tourner vers l’expérience. De récentes rumeurs évoquent un retour de Fernando Alonso, voire d’une arrivée de Sergio Perez. Des tractations seraient en cours, et Luca de Meo en personne ne serait pas contre un tel scénario.

" C’est un type incroyable [Fernando Alonso, ndlr] ", commente le CEO du Groupe Renault. " Il a quitté Alpine notamment à cause d’une erreur de notre part. Nous ne l’avons peut-être pas traité comme il aurait dû l’être, mais nous entretenons toujours une très bonne relation. Je le respecte énormément ; c’est un grand champion et un homme doté d’une réelle motivation. Rares sont ceux qui ont la détermination de Fernando. C’est un excellent pilote. Surtout avec une voiture, disons, pas terrible. "

Franco Colapinto reste à priori le grand favori pour obtenir le baquet. L’argentin a marqué les esprits l’an passé et dispose d’un large soutien financier, renforcé probablement prochainement par des partenaires liés à Sergio Perez. Le pilote était en test cette semaine avec une ancienne monoplace pour travailler son retour, Alpine met ainsi les moyens nécessaires pour s’assurer du succès de cette entreprise, après avoir déboursé des millions pour s’attacher ses services.

Le Grand-Prix d’Imola marquera ses débuts et il sera nécessairement fortement observé avec une importante pression. Au-delà de son évaluation, la presse spécialisée ne manquera pas en effet de le comparer à Jack Doohan. En cas de contre-performance, " ce jeune prodige " et sa Direction devront rendre des comptes à l’australien dont le traitement par Alpine été vivement critiquée. Là encore, les conditions sont loin d’être idéales, mais en cas de réussite, le A fléché saura qu’elle dispose d’un talent sur lequel construire. La F1 est un monde impitoyable…